La publication du Bilan prévisionnel 2025 et du rapport RTE sur les Perspectives pour le système électrique (hiver 2025-2026) offre un éclairage sur l’état du système électrique français et sur ses évolutions à horizon 2030. Les deux documents convergent vers un même constat : la France entre dans une période de surcapacité électrique qui devrait durer encore deux à trois ans, avant une augmentation progressive de la consommation à partir de 2028, portée par la décarbonation.

Cette trajectoire influe directement sur le rôle de la flexibilité dans le système électrique.

2025-2027 : une période d’abondance électrique et d’hivers sans risque

Depuis 2020, la consommation électrique française n’a pas retrouvé son niveau d’avant-crise. Elle reste environ 6 % en dessous de la période 2014-2019, stabilisée autour de 450 TWh en 2025. RTE souligne que les effets durables des crises sanitaires et énergétiques ont ancré cette faible demande, rendant très peu probable l’apparition de pointes élevées dans les hivers à venir.

En parallèle, le système électrique connaît un regain de production. La disponibilité nucléaire a été rapidement rétablie et atteint désormais 55 GW, un niveau comparable à la fin des années 2010. Les énergies renouvelables continuent également à progresser, avec un développement soutenu du solaire et de l’éolien. Les stocks hydrauliques et de gaz se maintiennent à des niveaux favorables. L’ensemble de ces éléments aboutit à une situation .

Dans ce contexte, RTE estime que le risque de défaillance hivernale est très faible pour 2025-2026, même en cas de vague de froid marquée. Les seules tensions envisageables reposeraient sur une combinaison extrême de plusieurs aléas simultanés (baisse brutale du nucléaire, froid sévère, faible production éolienne…).

L’enjeu principal de ces prochains hivers est désormais la gestion des excédents de production, notamment lors des creux de consommation ou en période de forte production renouvelable. La France entre ainsi dans une phase de surcapacité, caractéristique de cycles électriques que RTE décrit comme naturels : phases d’excédent, puis retour à l’équilibre, suivies de périodes de tension, avant un nouvel excédent.

Dans sa conférence de presse, RTE insiste également sur un point important : être en sous-capacité coûte beaucoup plus cher à la collectivité qu’être en situation de surcapacité temporaire.

Après 2028 : la reprise progressive de la consommation liée à la décarbonation

À partir de 2028, les effets des politiques de décarbonation devraient commencer à se matérialiser. L’électrification de l’industrie, le développement de la chaleur bas-carbone, la montée en puissance des véhicules électriques ou encore la production d’hydrogène entraîneront une hausse progressive de la demande.

RTE identifie deux scénarios de reprise : un scénario bas (décarbonation lente) où la croissance reste modérée et où les moyens de pointe actuels suffiraient pour sécuriser les hivers, et un scénario haut (décarbonation rapide) dans lequel l’électrification progresse beaucoup plus rapidement, nécessitant de renforcer les moyens de pointe, conformément aux conclusions déjà posées dans le bilan 2023.

Dans ces deux trajectoires, la hausse progressive de la demande finit par réabsorber progressivement la surcapacité actuelle, rééquilibrant le système électrique au tournant de la prochaine décennie.

Trajectoires de consommation intérieure d’électricité étudiées dans le Bilan prévisionnel 2025

Trajectoires de consommation intérieure d’électricité étudiées issues du Bilan prévisionnel 2025 de RTE

Quel scénario pour dimensionner le Mécanisme de capacité ?

Un point soulevé par RTE concerne désormais le choix du scénario de référence qui servira de base au dimensionnement du nouveau Mécanisme de capacité. Ce choix conditionnera l’ampleur des moyens à sécuriser et le niveau de préparation du système pour les années à venir.

Plusieurs éléments suggèrent que le scénario haut mérite une attention particulière. Les hypothèses qui le constituent ne sont pas excessives : elles reposent notamment sur les 30 GW de demandes de raccordement déjà présentes dans les files d’attente, qui traduisent une dynamique réelle d’électrification et d’investissements. Le contexte de prix bas de l’électricité favorise également l’adoption de nouveaux usages électriques, qu’il s’agisse de procédés industriels, de mobilité ou de chaleur, contribuant progressivement à renforcer l’indépendance énergétique.

À l’inverse, un dimensionnement basé sur un scénario plus lent pourrait conduire à une sous-capacité à moyen terme, avec un risque de pression à la hausse sur les prix et un ralentissement de l’adoption des solutions électriques décarbonées.

Un rôle de la flexibilité utile dans toutes les trajectoires

Les analyses du Bilan prévisionnel 2025 confirment que le développement des flexibilités, qu’il s’agisse de l’effacement de la demande ou des batteries, joue un rôle déterminant, aussi bien dans les trajectoires d’électrification rapide que dans les périodes de forte abondance de production.

Dans un scénario de décarbonation rapide et une croissance soutenue des usages électriques, la flexibilité apparaît comme un élément clé pour accompagner l’électrification. Elle permet d’optimiser l’utilisation de la production bas-carbone en milieu de journée, notamment lors des pics solaires, et de réduire les besoins de pointe le matin et le soir.

Dans un contexte temporaire de surcapacité, tel que celui observé actuellement ou dans une trajectoire d’électrification plus lente, la flexibilité conserve également un rôle important en déplaçant la demande vers les heures de forte production.

Ainsi, quel que soit le scénario envisagé, la flexibilité apparaît comme un outil structurant de la transition électrique. Elle répond à des besoins différents selon les périodes — soutien à l’électrification dans les années à venir, optimisation en période d’abondance aujourd’hui — mais reste un élément indispensable pour garantir un système performant, économique et décarboné.

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