Dans cet article, nous avons réalisé une analyse des tensions du système électrique de l’hiver 2021-2022 qui s’achève.

Le bilan initial prévisionnel de RTE

Chaque année avant l’hiver, RTE, gestionnaire de réseau de transport d’électricité, apporte une analyse prévisionnelle de la sécurité d’approvisionnement du réseau électrique pour l’hiver à venir.

La  sécurité énergétique peut être définie comme un objectif que se fixe un territoire dans le but d’assurer l’approvisionnement stable, adapté et prévisible en énergie et éviter les risques de coupure. Pour ce faire, le pays doit s’assurer que les ressources énergétiques sont suffisantes pour répondre à la demande et doit assurer la sûreté du fonctionnement du système pour l’acheminement des producteurs aux consommateurs. Les enjeux sont également d’avoir des prix stables, compétitifs, de favoriser le développement et l’utilisation des technologies et infrastructures appropriées.

Concernant l’hiver 2021-2022 que nous venons de traverser, RTE avait alerté sur une « vigilance particulière » et des risques de tension sur le système électrique, notamment pour les mois de Janvier et de Février. En effet, le parc de production nucléaire se retrouve réduit avec l’arrêt de plusieurs réacteurs dû au décalage des opérations de maintenance à cause du Covid et aux visites décennales déjà prévues. Cette vigilance était principalement de mise si une vague de froid touchait le pays et de fait, augmentait la consommation d’électricité sur le territoire.

Le manque de disponibilité du parc nucléaire

La France étant très dépendante de la production nucléaire, les arrêts des réacteurs en période hivernale peuvent avoir des conséquences sur l’équilibre du réseau électrique. Les opérations de maintenance mettent à l’arrêt des réacteurs sur plusieurs mois et, celles-ci ayant été décalées à cause du covid, elles interviennent donc pendant l’hiver. L’objectif de ces opérations est de prolonger la durée de fonctionnement des centrales. Par exemple, la centrale de Tricastin a vu la mise à l’arrêt de l’unité de production 3, ou encore la centrale de Saint-Laurent -Nouan avec l’arrêt du réacteur 2… D’autres réacteurs nucléaires ont également été mis à l’arrêt, cette fois-ci pour des problèmes d’ordre de défaillance comme des fissures détectées sur des tuyauteries de la centrale de Civaux.

Pour illustrer ces propos, voici un graphique montrant la baisse de la production nucléaire au fil des années. Le graphique reprend, depuis 2017, la puissance maximum injectée pendant l’hiver en MW. On constate une baisse notable de l’année 2017 à 2022 de plus de 10 000 MW relatant le fait qu’il y a aujourd’hui moins de capacité nucléaire disponible expliquée par les raisons ci-dessus. En 2020-2021, la diminution correspond au confinement du covid avec une baisse considérable de la demande en électricité et donc une diminution logique de la production nucléaire. L’hiver 2021-2022 a retrouvé son niveau de consommation habituel. La baisse signifie donc bien une plus faible capacité de production nucléaire.

Puissance_nucleaire_hive

La production au charbon

La conséquence négative, notamment en termes d’écologie, de la baisse de la capacité de production nucléaire, est le rebond du fonctionnement des centrales thermiques. En effet, ce second graphique, traduisant l’énergie produite en GWh de nature thermique montre une hausse considérable du recours à la production thermique cet hiver 2021-2022. Les centrales thermiques n’ont jamais autant tourné en France. L’objectif étant de combler le déficit de la production nucléaire pour répondre à la demande. En 2021-2022, 2455 GWh d’énergie a été produite avec du thermique contre 934 en 2019-2020, soit une hausse de +163%.

graphique_charbon

Pour illustrer davantage ce graphique, la France a même autorisé ses 2 dernières centrales à charbon à produire davantage que la limite d’utilisation autorisée alors que celles-ci doivent fermer très prochainement. L’objectif de cette démarche est d’assurer l’approvisionnement électrique. Très émettrice de CO2, cette action s’oppose aux engagements environnementaux pris par le territoire national.

La production de gaz et l’indépendance énergétique

Avec le contexte géopolitique actuel, de nombreux pays remettent en cause leur programme de décarbonation. En effet, la guerre en Ukraine déclarée par la Russie, a une forte incidence sur les prix de l’énergie, pose question d’une potentielle pénurie et remet en cause la question de l’indépendance énergétique des pays.

L’indépendance énergétique signifie qu’un pays ou un territoire possède la capacité de satisfaire l’ensemble de ses besoins énergétiques sans faire appel à des importations sous forme de sources primaires ou d’énergie finale. C’est donc la possibilité de satisfaire de manière autonome ses besoins énergétiques.

Les pays européens sont fortement dépendants de la Russie en termes notamment de production de gaz. Dans ce contexte, les pays européens ne souhaitent plus cette dépendance provenant d’un pays qui a déclaré la guerre. Néanmoins, pour certains d’entre eux, il est dur de se passer à 100% du gaz russe, étant dépendants pour certains à plus de 70% de ce dernier. Au profit du gaz russe, certains pays, dans le but d’assurer l’approvisionnement en électricité sont donc contraints de s’appuyer sur la production au charbon. La solution d’utiliser des énergies fossiles est un passage temporaire qui permettrait de réduire la demande de gaz russe. A plus long terme, les pays devront donc revoir leur stratégie. Cette décision remet en cause l’ensemble des programmes de décarbonation et les mix énergétiques des pays souhaitant devenir de plus en plus indépendants énergétiquement. Cela prendra du temps, et, pour ce faire, selon les pays, il faudra certainement construire de nouvelles centrales nucléaires et améliorer le parc d’énergies propres et renouvelables.

A noter que la France reste l’un des pays de l’Union Européenne le moins dépendant du gaz russe.

Les conséquences sur les prix de l’électricité

Avant même le début de la guerre en Ukraine, les prix de l’électricité avaient déjà commencé à grimper. En effet, la reprise économique post crise sanitaire (à partir de Mai 2021) a provoqué une pénurie de gaz, qui a fait augmenter les prix du gaz et par conséquent ceux de l’électricité. Suivi de la guerre en Ukraine avec les conséquences sur les prix du charbon, du gaz et du pétrole, et l’incertitude qui y règne, le marché de l’électricité connaît une forte inflation qui fait exploser les prix de l’électricité.

Pour conclure, tous ces éléments ont eu une incidence sur la stabilité du réseau électrique et ont provoqué des tensions.

Vous aussi, abonnez-vous à notre newsletter mensuelle !



    la politique de confidentialité